Vous avez peut-être vu passer ce débat dans La Gazette des communes. Cinq associations d'élus (AMF, France Urbaine, ADF, Régions de France, Villes de France) ont émis le 23 mars 2020 un courrier demandant au Gouvernement de pouvoir imputer les dépenses liées à la crise sanitaire dans la section d'investissement plutôt que dans la section de fonctionnement.
Une demande à laquelle Philippe Laurent, le secrétaire général de l'Association des Maires de France et Maire de Sceaux, s'est immédiatement opposé, avec une interview détaillée dans les colonnes La Gazette des Communes. Si le différent semble désormais clôt, nous avons demandé à Philippe Laurent de nous résumer les arguments de la polémique.
L'idée des cinq associations était simple. Pour pallier à la baisse des recettes à prévoir dans les années à venir et éviter un déséquilibre du budget (recettes trop faibles par rapport aux frais de fonctionnement), elles ont suggéré de basculer les dépenses liées à la crise sanitaire en section d'investissement – donc, finançable par l'emprunt. Or, selon Philippe Laurent, c'est une logique dangereuse qui pourrait mener à plusieurs conséquences néfastes, à court et à long terme.
Les risques : perte de crédibilité sur les marchés financiers, baisses de dotations ?
« Nous, les collectivités locales, avons de la crédibilité : la situation financière est saine, et on n'emprunte que pour financer l'investissement. Or, déroger à cette règle, en France comme à l'étranger - où l'on peut avoir une notation - donne une image dégradée, car ce n'est pas conforme aux principes comptables. En outre, je pense qu'il ne faut pas user de subterfuges pour déguiser la réalité économique locale après cette crise. Il faut qu'on montre que les collectivités territoriales ont payé leur tribut, et qu'elles ne peuvent pas venir indéfiniment au secours de l'Etat par une baisse de dotation - comme ça a pu être évoqué... »
Conséquences sur le long terme : une porte ouverte aux dérives... Et à l'insolvabilité ?
Pour Philippe Laurent, il y a toujours eu un accord général sur cette la règle, non seulement pour maintenir la crédibilité de la gestion publique locale, mais aussi car ce genre de proposition ouvrirait une brèche : « Si la règle d'or saute, les collectivités locales pourront commencer à s'endetter pour payer les fonctionnaires », alerte-t-il. « Je ne dis pas que ça se passerait forcément, mais ça peut être une porte ouverte... Cette règle, elle nous protège contre nous-mêmes, c'est pour ça que les élus globalement ne la remettent pas en question. »
L'étalement des charges, une solution ?
Il revient aussi sur un dispositif qui existe pour éviter un excès de dépenses de fonctionnement : l'étalement des charges. Le principe : quand il y a une charge qui est de l'ordre du fonctionnement mais qui est exceptionnelle, il est possible de l'étaler dans le temps. « Ça revient a peu près au même. », précise-t-il. « Mais ça nécessite une délibération spécifique et surtout, c'est encadré : il y a des normes, ça n'est pas un principe qui s'applique de manière générale. Il y a une délibération, et c'est traçable. C'est ça qui est très important ! »
Ainsi, pour Philippe Laurent, c'est bien en suivant les règles comptables qu'on s'assure une crédibilité financière. Des comptes sains dans une collectivité saine (et vice versa) : tel pourrait être le résumé de ce débat.